Les finalistes du 90e Prix des Deux Magots

Le jury du Prix des Deux Magots, présidé par Etienne de Montety, s’est réuni lundi 4 septembre afin de sélectionner les 4 ouvrages finalistes de cette 90e édition.

 

Guy Boley, À ma sœur et unique (Grasset)

Elisabeth Förster fut l’unique sœur de Friedrich Nietzsche, écrivain, philologue, philosophe, être perpétuellement souffrant, vivant dans une solitude totale. De deux ans sa cadette, elle fut sa première lectrice, compagne, admiratrice. Tôt, elle se promet de tout faire pour que brille l’œuvre de son frère à laquelle elle n’entend rien. En effet, elle fera tout. Le soignera, l’assistera, le portera. Et ira jusqu’à vendre ses écrits à Adolf Hitler, homme que Friedrich eut haï s’il l’avait connu.

Les finalistes du 90e Prix des Deux Magots

Dans ce roman écrit d’un souffle, Guy Boley retrace chaque épisode de leurs vies  : leur enfance complice à Naumburg, leur vie conjugale à Bâle où Fritz est professeur et où Lisbeth l’assiste, les week-ends chez les Wagner puis la rupture  ; l’affaire Lou-Salomé, le mariage d’Elisabeth avec Bernhard Förster, antisémite déclaré avec lequel elle part en 1886 au Paraguay, fonder la colonie Nueva Germania. Pour revenir trois ans après, au chevet de son frère tombé dans la folie, inconscient, alité, qu’elle dit soigner mais qu’elle va trahir et spolier.

Amour, solitude, vengeance, trahison ; ambition dévorante, génie, haine, héritage, cruauté. Tout y est. Même les dieux qui Là-Haut jouent aux dés. L’équivalent en prose d’un drame shakespearien.

Plus d’informations sur le site des éditions Grasset

Nicolas Chemla, L’Abîme (Le Cherche Midi)

Le roman d’une possession diabolique, d’un envoûtement, comme si le mystère du XIXe siècle resurgissait dans le Paris du XXIe. Un Américain installé à Paris, une façade aux motifs intrigants, un chat énigmatique, un voisin glaçant, un cadavre et… la réalité qui soudain se fissure, laisse la voie libre à d’anciennes messes noires, à des rites occultes, à des textes mystiques dont on croit percevoir l’écho dans des nuits de sexe de plus en plus hard, entre backrooms et apps de rencontre. Qui trop contemple l’abîme…

Peu à peu l’Américain sombre dans la folie. Un Horla le hante. Ce livre est le récit de sa chute.

Nicolas Chemla signe ici un texte hypnotique, dans une langue qui se joue des genres, tour à tour classique et survoltée. Il ressuscite le trouble distillé par les grands auteurs décadents du XIXe siècle en le confrontant au vertige de notre époque désespérément plate. Dans L’Abîme, le mystère reprend brutalement ses droits.

Plus d’informations sur le site du Cherche Midi éditeur

Julie Héraclès, Vous ne connaissez rien de moi (JC Lattès)

Un premier roman éblouissant librement inspiré de la vie passionnée de « La Tondue de Chartres » photographiée par Robert Capa en juin 1944, à la Libération.

“Aujourd’hui, vous m’avez rasé le crâne, vous m’avez marquée au fer rouge et maintenant vous m’insultez comme une chienne. Mais vous ne me détruirez pas. Vous  n’aurez pas cette étincelle qui me pousse à continuer, envers et contre tout. Car, aujourd’hui, encore plus qu’hier, je suis  forte d’un trésor inestimable. Un trésor que beaucoup d’entre  vous passerez toute une vie à chercher et n’obtiendrez jamais.  J’ai aimé. Et j’ai été aimée.”

Le 16 août 1944, à Chartres, le photographe Robert Capa a  immortalisé une femme, tondue, le visage incliné vers son  nourrisson, conspuée par la foule. Dans un roman bouleversant qui s’inspire de ce cliché, Julie Héraclès retrace la vie de cette femme libre, Simone, au tempérament incandescent.

Plus d’informations sur le site des éditions JC Lattès

Gaspard Koenig, Humus (L’Observatoire)

Deux étudiants en agronomie, angoissés comme toute leur génération par la crise écologique, refusent le défaitisme et se mettent en tête de changer le monde. Kevin, fils d’ouvriers agricoles, lance une start-up de vermicompostage et endosse l’uniforme du parfait transfuge sur la scène du capitalisme vert. Arthur, enfant de la bourgeoisie, tente de régénérer le champ familial ruiné par les pesticides mais se heurte à la réalité de la vie rurale. Au fil de leur apprentissage, les deux amis mettent leurs idéaux à rude épreuve.

Du bocage normand à la Silicon Valley, des cellules anarchistes aux salons ministériels, Gaspard Kœnig raconte les paradoxes de notre temps – mobilité sociale et mépris de classe, promesse de progrès et insurrection écologique, amour impossible et désespoir héroïque… Une histoire de terre et d’hommes, dans la grande veine de la littérature réaliste.

Plus d’informations sur le site des éditions de L’Observatoire

Lequel de ces passionnants récits sera élu Prix des Deux Magots 2023 ? Verdict le lundi 25 septembre aux alentours de midi.